Le Manque - extrait de Œdipe casseroleMine de rien, la plus belle chanson française de l’année a été écrite par un duo installé à Chartres (« une ville qui bouge encore moins qu’un fossile »). En effet, c’est d’Eure-et-Loir que Le Manque s’est imposé à moi. Depuis il ne me lâche plus. Champion du monde (entendre plus bas) est une merveille et je suis étonné que les labels du pays de Katerine, Mendelson et Michel Delpech ne soient pas fichus d’y prêter au moins une oreille au moins polie, si ce n’est attentive. Au lieu de signer des palanquées de sous-groupes à la manque.
J’espère malgré tout que l’année qui vient sera celle de Christophe Esnault et Lionel Fondeville, les deux âmes esthètes de ce beau projet. Interview express…

A quoi a ressemblé la vie du Manque cette année ?

Christophe : On s’est bien éclaté à bricoler les clips, surtout Nietzsche m’a tout piqué. Brice Vincent est le premier réalisateur à s’être emparé d’une de nos chansons pour Vider des poulets et on est très emballé par le résultat de cette collaboration (il y en aura d’autres avec des artistes qu’on adore). On a eu notre petit quart d’heure warholien quand Rue 89 a programmé Champion du monde et a offert un article pour présenter notre projet (le lendemain on était redevenu de complets inconnus). On était heureux pour notre acteur-héros, Daniel Nivault.

Lionel : … et sa cousine germaine, Martine, qui pleuré en voyant le clip. On a aussi fait un concert-lecture-projection de clips à Nantes au printemps.

Quel disque, quel livre, quel concert ne fallait-il pas manquer en 2013 ?

Christophe : Le triple album de Mendelson est une tuerie. Les heures, ce n’est pas seulement un morceau incroyable de puissance, c’est aussi de la haute littérature. J’étais ravi de voir Fauve dans un club du côté de Morlaix, un chanteur qui en impose et des musiciens avec encore une marge de progression, j’aime la fraîcheur de ce groupe. Sinon, j’ai raté les Sexy Sushi (au Chabada d’Angers) et Christophe (au théâtre de Lorient) parce que j’étais dans la dèche. Je lis énormément (ça relève de la pathologie), mais très peu de découvertes de pépites pour des écrivains ayant une actualité en 2013 (Le Plancher de Perrine le Querrec aux éditions Les Doigts dans la prose est celui que je conseille le plus urgemment).

Lionel : Mendelson bien sûr. Bill Calahan vient de sortir un nouvel album, Dream River, ce n’est donc pas une année complètement perdue pour la musique populaire. Et puis j’ai vu GaBlé au Manège à Lorient : ils m’ont bien (r)éveillé et nettoyé les oreilles. Conseillé par Christophe, j’ai lu Instructions pour vivre sans peau de Rafael Menjivar Ochoa (éd. Cénomane). Je ne m’en suis toujours pas remis…

Une année est faite de naissances et de disparitions, de conquêtes et de renoncements, de ratages et de confettis. Quels événements furent les plus marquants pour vous ?

Christophe :  Un écrivain et poète dit, si je me souviens bien, qu’en dehors des naissances, de l’amour et de la mort, tout n’est que non-événement et je reprends cela à mon compte comme si c’étaient mes propres mots. Aucun événement survenu en 2013.

Lionel : Christophe Esnault ne s’est pas suicidé en 2013, c’est tout à la fois une naissance, une disparition, une conquête, un renoncement, un ratage et un confetti.

Qu’est-ce qui vous manque pour séduire enfin les labels ?

Christophe : Envoyez 2 fois 15 CD à des labels ciblés et n’avoir eu aucune réponse, ça nous a un peu calmés. On ne va pas mendier quinze minutes d’écoute, d’autant qu’on ne croit pas que c’est en envoyant la came par la poste que l’on signe quoi que ce soit. On va continuer à beaucoup s’amuser, faire quelques belles rencontres, c’est tout ce qui importe.

Lionel : Si les gens qui posent aux groupes des questions intelligentes comme les vôtres travaillaient dans des labels, on aurait signé depuis longtemps.

L’année qui vient sera-t-elle celle du Manque ?

Christophe : Non. Peut-être même que la plupart de nos vingt fans inconditionnels vont nous lâcher définitivement. 

Lionel : Oui (je suis le moins pessimiste des membres du Manque).

Comment fait-on pour rester ouvert à l’inattendu ?

Christophe : On reste vivant.

Lionel : On consulte la boîte mail du Manque cinquante fois par jour.

Le Manque sera en concert le samedi 25 janvier (18 H 30) à Etel (près de Lorient) au FestYves Arts.


Le site du Manque. Et sa page FaceBook.
Les vidéos du Manque. Dont les suivantes…

Champion du monde

Ulan Bator

Désespoir en Eure-et-Loir

Mourir à Chartres…