La quinte de Sylvia Hanschneckenbühl
Sylvia Hanschneckenbühl est la première fille à nous présenter sa petite sélection. Elle le fait le plus naturellement du monde, sans se soucier des effets de modes. Et je vous le donne Émile : les Breeders ouvrent le bal.
Sylvia a sorti un premier album totalement autoproduit en 2009. Il s’appelle Sylvia Hanschneckenbühl does not sing christmas et est hautement recommandable. Si vous avez une bonne médiathèque près de chez vous, vous pourrez peut-être retrouver le numéro de janvier de Rock & Folk et le sampler qui va avec. Un titre de la jeune femme y figure.
Sylvia devrait enregistrer quelques titres au mois d’août. Pour les concerts, il faudra ronger son frein, il n’y en a pas de programmés pour le moment (à surveiller ici et là).
Allez hop, voici ses morceaux choisis.
…
The Breeders – Fate to Fatal (EP)
Sorti il y a un an, en vinyle et à seulement 1000 exemplaires (j’en ai eu un, j’en ai eu un !!! Même que les sœurs Deal ont chacune signé le carton dans lequel le disque était expédié ! Avec un feutre noir au bout de leurs mains, de leurs mains à elles les sœurs Deal ! Même qu’elles me remerciaient pour ma commande ! – ouais BON, ça va, je suis une fan absolue)(ce qui ne porte nullement atteinte à mon objectivité, cela va sans dire…), nous disions donc : 1000 exemplaires vinyles sérigraphiés à la main par les jumelles auteures de Cannonball. Sans trop de label, donc. Sans trop trop de distributeur non plus : il fallait commander le disque sur le net, et attendre qu’il arrive des États-Unis.
Question : pourquoi être à ce point fan des frangines ex-raides dèf’ de Dayton, Ohio ? Parce qu’elles ont toujours fait ce qu’elles voulaient. Pas de souci de coller à l’air du temps, pas de vaste conneries visant à “toucher un public”, pas de conseils à recevoir d’un DA idiot (pléonasme) de maison de disque, et pas l’ambition de “percer”. The Breeders n’est pas un “projet”. Malgré l’immense tube de 1994, leurs disques n’ont jamais été des produits, mais seulement des chansons sincères (oui, la sincérité, vous vous rappelez ? C’était à l’époque où vous faisiez de la musique avec vos potes, avant que Myspace et consorts ne vous fassent croire que vous alliez devenir célèbres…) Fate to Fatal, donc, est un 4-titres lo-fi, d’un anti-commercialisme absolu. Le premier morceau, éponyme, pourrait éventuellement faire office de tube – avec un son moins crade et une mélodie de chant moins asymétrique, ce pourrait presque être un Cannonball bis. Mais non. Deuxième plage, un duo velvetien avec une guitare plaintive et… Mark Lanegan. L’est partout, celui-là. Puis une reprise du Chances Are de Bob Marley. Bah si on s’attendait à un coup pareil. Une reprise du Bob. Ne vous inquiétez pas, ça ne s’entend pas : rien de reggae, juste une lente guitare acoustique en arpèges et les voix des filles, tristes, candides. Pinacle Hollow, qui suit, est une longue ballade country-crade en forme de road movie lancinant. Un délice. Levons notre chapeau aux fameux soli de guitare de Kelley Deal, approximatifs à souhait – Kelley a un art presque surnaturel pour produire de beaux petits pains touchants (quiconque déteste le magazine Guitare Part devrait goûter son jeu unique).
Le vinyle confectionné maison ne se commande sans doute plus à l’heure actuelle, mais vous pouvez vous procurer ces quatre titres en toute légalité sur toutes les bonnes plateformes de téléchargement.
http://www.myspace.com/thebreeders
Toxic Kiss – Snakes in the City
Rien que le titre, jeu de mot avec “Sex in the City”, et me voilà morte de rire durant plusieurs minutes. Sur la pochette, une classieuse photo noir et blanc du groupe au bar, qui regarde l’objectif avec l’air de vouloir en découdre. Et puis une saine sobriété, aucun signe qui indiquerait de façon claire quel style de musique il y aura sur le disque. J’aime bien ça moi, quand c’est pas évident, ça m’intrigue toujours. D’ailleurs, comment qualifier cette musique ? Allez, on va dire pop/rock pour entretenir le mystère. Du riff sixties-garage, de l’énergie toute punk, quelques belles guitares surf, ici un tambourin, là un pont à la Nancy Sinatra/Lee Hazelwood, et surtout, surtout, les voix !.. L’une masculine et l’autre féminine, qui parfois chantent ensemble et parfois se répondent. On pense au groupe X, de Los Angeles.
Le tout sans jamais une seule seconde sonner passéiste, sans afficher d’influences évidentes, et sans se répéter. Ces Lorrains possèdent un son reconnaissable entre mille. Une forte personnalité. Et, chose rare de nos jours, ils ont des chansons. Des compos comme je les aime, avec toujours une surprise, un pont, une coda qu’on n’attendait pas… En huit ans d’existence, 3 albums (le quatrième devrait sortir dans les mois qui viennent) et plus de 300 concerts, les bisous toxiques venus de l’Est se démerdent avec les moyens du bord, et nous livrent des concerts qui ravagent tout. Bon ach so, ils glandent quoi là, les mecs des maisons de disques ?
http://www.myspace.com/toxickissband
First Floor Power – Nerves
Selon Wikipedia, First Floor Power est un groupe suédois de rock indépendant. Il y a des filles (deux) et des garçons (deux aussi, mais c’est pas Abba). L’album Nerves est sorti en 2003, et a certainement dû passer inaperçu, à tort. Tout juste si je ne le classerais pas dans le Top 5 des Grands Albums des Années 2000. Quoi dire sur ce groupe qui fait sa belle pop dans son coin, sans faire d’esclandre, avec son petit son gentillet en apparence ? Mais voilà, sous des airs de petit groupe indie pointu pour nerds qui n’ont pas baisé depuis 2003, se cache un chef d’œuvre. Pas un “petit chef d’œuvre”. Un Grand. Écoutez seulement le titre How I lost my Juvenile Smile avec ses chœurs grandioses, pour vous en convaincre.
http://www.myspace.com/firstfloorpower
The Kills – Midnight Boom
Chez chacun d’entre nous la connerie va se loger quelque part. Moi par exemple, je n’arrive pas à écouter les albums-dont-tout-le-monde-parle-en-ce-moment. A l’été 2008, je me serais bouffé une main plutôt que de concéder que le dernier Kills était, comme son nom l’indique, une tuerie. Forcément, j’avais au moins 58 potes qui l’écoutaient en boucle à ce moment-là. Janvier 2010, il y avait prescription sur la hype, j’ai dû estimer qu’assez d’eau avait coulé sous les ponts pour daigner jeter une oreille sur Midnight Boom. Mon Dieu, cette production ! Mais comment ont-ils fait ?! Juste à deux ?! Pour avoir un son pareil ?! Waow. Et puis, j’aime bien leur façon de répéter plein de fois des petites phrases, avec seulement l’intonation qui varie. L’intonation justement, toujours savamment dosée, toujours sur le fil, toujours mesurée. Tendue. L’art de bien chanter ne se résume pas à avoir une belle voix et à chanter juste ; il faut aussi savoir prononcer les mots. Alison Mosshart l’a compris.
Midnight Boom m’accompagne quasiment tous les matins sur le trajet de chez moi à mon boulot – car, pour se rendre sur son lieu de travail, on n’écoute pas n’importe quoi, n’est-il pas ?
http://www.myspace.com/thekills
Grandaddy – Sumday
Le saviez-vous ? Aussi difficile à croire que cela puisse l’être, cet album à la pochette cul-cul la praline au possible (et pourquoi pas des dauphins jumpant gaiement devant un coucher de soleil avec des palmiers, tant qu’on y est ?), cet album-là donc, pondu par une bande de vieux hippies barbus et mous du genou, eh bien, cet album est bien. Plus que bien, même. De superbes mélodies tristounes mais jamais déprimantes pour autant, à la fois apaisantes et grandioses. J’ai entendu ce disque maintes fois, chez des potes ou dans des bars, et puis cet hiver, faire son acquisition m’est devenu nécessaire. Bah oui, à force de les entendre sans les écouter, ces mélodies sont entrées insidieusement dans ma tête et n’ont plus daigné en sortir.